Marc Villard plutôt confiant sur ce qu’on peut faire avec cette -nouvelle- AFE, une interview de La Voix de France
La mise en place de l’Assemblée des Français de l’étranger constituait la dernière étape de la réforme importante engagée en 2012 sur la représentation des Français établis hors de France. Réunis en session plénière du 6 au 10 octobre, à Paris, ses 90 membres ont élu Marc Villard, élu de la circonscription Asie et Océanie, à la présidence de cette AFE nouvelle version. La Voix de France s’est entretenue avec lui pour faire le point sur la façon dont va maintenant travailler cette instance représentative.
Vous êtes le premier président élu de l’Assemblée des Français de l’étranger. Comment abordez-vous cette fonction ?
Je ne m’étais pas du tout préparé à devenir président. Premier président élu de l’AFE nouvelle formule me donne une responsabilité encore plus grande car nous sommes toujours dans la phase de création de l’AFE. Nous n’avons pas de règlement intérieur par exemple. Du coup, je ne sais pas quelles seront exactement mes prérogatives. En attendant, je dirige, je joue le rôle d’un chef d’orchestre. Dans un premier temps, j’ai fait au mieux pour jeter les bases du fonctionnement de notre assemblée. Pour la suite, on verra quel rôle on me donne. Les prérogatives du président ne sont pas encore fixées. Par exempte, beaucoup de personnes m’envoient des mails de félicitations en me disant « nous serons heureux de vous recevoir », mais ceci n’est pas prévu par les textes. Le président n’a pas cette fonction représentative et aucun budget n’est prévu pour cela. Il va donc falloir réfléchir au rôle exact du président. Ce qui est certain, en revanche, c’est que cette position me donne un rôle privilégié d’interlocuteur du gouvernement.
Justement, le gouvernement a dû être surpris de votre élection. Avec une majorité d’élus de droite à l’AFE, on attendait plutôt un président de droite. Cette élection était inespérée, non ?
Oui car à vrai dire, on ne s’y attendait pas beaucoup. On savait qu’il y avait une opportunité car la droite était divisée. Nous avons pu nous allier avec les Indépendants, devenus les Indépendants pour la démocratie et l’environnement [IDéE], qui souhaitaient pouvoir constituer un groupe à 10. Le groupe majoritaire à droite avait refusé donc ils ont préféré voter pour nous.
Concrètement, ça change quelque chose que le président de l’AFE soit de gauche ou de droite ?
On va dire que les gens de gauche sont très contents et à droite moins contents.
Plus sérieusement, ça peut changer dans la manière de voir le fonctionnement de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Il semble que nous ayons gagné cette élection parce que nous avons eu une position plus ouverte que celle des responsables du groupe majoritaire. Peut-être, par conséquent, que l’AFE aurait été plus rigide avec un président issu de ce parti.
De ce que nous avions entendu dire, la droite ne souhaitait pas donner une grande place à la gauche en cas de victoire. Nous, au contraire, nous voulions une ouverture et la représentation à la proportionnelle pour chaque poste de responsabilité, dans chaque commission.
Enfin, politiquement, ce n’est pas plus mal pour le secrétaire d’État aux Français de l’étranger d’avoir un président de son bord.
Matthias Fekl, le nouveau secrétaire d’État au Commerce extérieur, à la Promotion du tourisme et aux Français de l’étranger, est justement venu prononcer un discours devant l’AFE. Qu’avez-vous pensé de son intervention ?
Il est nouveau à ce poste mais on a pu voir qu’il souhaitait mettre en avant sa sensibilité de Français de l’étranger, puisqu’il a longtemps vécu en Allemagne.
Il a montré qu’il avait déjà pris la mesure de cette Assemblée des Français de l’étranger. C’est une rencontre qui a satisfait mes collègues. Le secrétaire d’État était aussi présent lors du cocktail donné par le ministère des Affaires étrangères et de nombreux élus sont allés discuter avec lui. Ils ont remarqué que c’est quelqu’un de très accessible. Ça permet un échange plus direct. (Texte du discours de Matthias Fekl, Secrétaire d’état en charge des Français de l’étranger, à l’AFE le 7 Octobre 2014)
N’est-ce pas tout de même un problème que le secrétaire d’État ait trois casquettes ?
Non, je trouve ça très bien que le ministère des Affaires étrangères ait repris la main sur le commerce extérieur. Depuis le temps qu’on nous dit que les Français de l’étranger sont les ambassadeurs du commerce extérieur de la France… Là, enfin, on a le même interlocuteur pour ces deux dossiers qui sont liés. On peut dire à Matthias Fekl : aidez-nous à maintenir un environnement favorable pour l’installation des Français à l’étranger et on vous fera du »bon business ».
Quel va être le nouveau rôle de cette Assemblée des Français de l’étranger, en sachant que certains membres se plaignent déjà que le texte officiel indique que le gouvernement « peut » les consulter ?
C’est une question de vocabulaire. Il était juridiquement impossible d’écrire « doit » car cela aurait voulu dire, par exemple, que le gouvernement devait nous consulter pour aller faire la guerre en Irak. Il est donc écrit « peut » afin que ça ne rende pas impossible le fonctionnement du gouvernement. Mais sur le fond, je suis plutôt confiant sur ce qu’on peut faire avec cette AFE.
Cet un outil qu’on nous a confié et nous avons la charge de ce que cette assemblée va devenir. J’ai mis l’accent sur le fait que nous devions travailler de façon pyramidale avec les conseillers consulaires. Les problèmes doivent être relayés par eux pour qu’ils puissent ensuite être portés sur le terrain législatif. Nous avons tout ce qu’il faut pour le faire.
Chacun doit trouver sa place : il faut que les conseillers consulaires soient acceptés par les consuls, que les membres de l’AFE soient acceptés par les parlementaires, etc. Mais je ne suis pas inquiet. La première semaine de travail laisse espérer que cela devrait marcher.
Hormis votre élection, à quoi cette session plénière de l’AFE a-t-elle servi ?
Il faut garder en tête qu’on partait de zéro. Nous avions deux solutions : soit on faisait rapidement un copier-coller de l’ancienne AFE sans trop changer son fonctionnement, soit on redessinait ses contours en déterminant la nouvelle façon dont on allait répartir les responsabilités entre les différents élus représentant nos compatriotes. C’est cette deuxième option que j’ai choisie car le système de représentation n’est plus du tout le même. À partir du moment où il y a une répartition sur deux niveaux, avec les conseillers consulaires et les membres de l’AFE, il était évident qu’il fallait réinventer une méthode de travail. Il a fallu convaincre tout le monde, les débats ont été riches, parfois un peu chauds, mais c’est normal. Même les anciens, dont on aurait pu craindre une certaine réticence face à ces nombreux changements, se sont montrés très ouverts.
Sur quoi avez-vous abouti ?
L’idée, c’était de ne pas »louper » la transition entre l’ancienne et la nouvelle AFE et de mettre en place des méthodes de travail pour être plus efficace et pour mieux représenter les Français de l’étranger. En plus des six commissions, nous avons acté un certain nombre de choses : comme je l’ai déjà dit, nous avons instauré une représentation à la proportionnelle sur tous les groupes de travail ; les méthodes de travail des commissions vont évoluer, nous aurons désormais des rapporteurs thématiques ; et puis surtout, nous souhaitons mieux travailler avec les parlementaires car nous nous sommes rendus compte que pour que les prises de position ou les recommandations de l’AFE aient une influence, il fallait que ces sujets soient pris en main par les parlementaires. La bonne nouvelle, c’est que j’ai senti un vrai enthousiasme de la part de mes collègues élus de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Maintenant que l’AFE est en place, quels seront les dossiers importants des mois à venir ?
C’est un peu tôt pour le dire. Chaque commission va définir ses axes de réflexion, mais ce qu’on peut déjà dire, c’est que nous souhaitons être davantage en pointe sur le plan économique, être plus impliqués dans la diplomatie économique lancée par M. Laurent Fabius. Nous avons aussi la possibilité, maintenant, de faire des études de fond. Dans l’ancienne AFE, il n’y avait presque pas de travail entre les deux sessions plénières. Là, grâce aux groupes de travail et à l’Intranet du ministère des Affaires étrangères, nous allons pouvoir continuer à travailler tout au long de l’année. Tout le monde a l’air d’y être très attaché. C’est une bonne chose.
propos recueillis par Romain BRUNET »La voix de France »