Soutien au pacte de responsabilité : La parole à Pierre-Yves Le Borgn’, député des Français établis hors de France

/ février 24, 2014/ Actualités

Tribune: Soutien au pacte de responsabilité.

pyJ’ai co-écrit avec 9 autres députés et sénateurs socialistes une tribune de soutien au pacte de responsabilité et à l’action du Président de la République. Elle est parue aujourd’hui dans Le Nouvel Observateur. Vous la trouverez plus bas.

Cette tribune rappelle le contexte économique que la gauche au pouvoir a eu à affronter depuis l’élection de François Mitterrand en 1981 et le courage qu’il a fallu face aux enjeux du réel, souvent en rupture avec l’expression du Parti Socialiste dans l’opposition. La tribune veut aussi souligner tout l’enjeu du pacte de responsabilité face à la menace de décrochage de notre économie.

Oui, ce à quoi le Président nous appelle est difficile, économiquement, budgétairement et sans doute aussi politiquement. Mais il en va de l’avenir de notre appareil productif, qui doit être reconstruit si l’on veut que le retour de la croissance profite à la France et à l’emploi chez nous. Le moment, plus que jamais, est venu de parler vrai et si c’est aux responsabilités que nous devons faire notre « Bad Godesberg », alors faisons-le et, surtout, disons-le.

Pacte de responsabilité : le pari audacieux de François Hollande

 Si l’on caractérise un homme d’Etat par sa capacité à s’élever au-dessus des préjugés et des tabous idéologiques de son camp pour faire prévaloir une vision de l’intérêt supérieur du pays, alors François Hollande en portait incontestablement le costume lors de sa conférence de presse du 14 janvier.

Car nous sommes un étonnant pays où les postures politiques comptent parfois plus que le principe de réalité. Or, en donnant la priorité à une politique économique dite « de l’offre », François Hollande transgresse la frontière entre les prétendus « libéraux de Droite » et « keynésiens de Gauche ».

Pourtant François Mitterrand avait opéré ce virage bien avant lui, mais sans l’exprimer ; ni que le Parti Socialiste en tire tous les enseignements. Confronté en 1981 à une situation comparable d’affaissement productif, il avait engagé une relance keynésienne. Il en résulta un creusement vertigineux des déficits extérieurs, budgétaires et sociaux qui révéla que les politiques de soutien à la demande n’ont plus la même efficacité en économie ouverte. Ce sont les PIB étrangers qui profitèrent du regain de consommation français, faute de disposer d’une industrie nationale capable d’y répondre.

D’où le revirement de 1983 où François Mitterrand opta pour la « désinflation compétitive », le sevrage des drogues douces des dévaluations et de l’inflation, et contraignit l’industrie française à adapter sa compétitivité à un franc fort. Il en découla dix ans d’excédents commerciaux ininterrompus. Mais faute d’avoir assumé ce bilan économique positif mais idéologiquement dérangeant, la Gauche s’en trouve encore affectée d’allergies tenaces.

Et alors que la France avait rejoint l’Allemagne à l’orée du siècle, ces efforts furent annihilés par la politique menée par la droite dans les dix années qui suivirent. C’est donc d’un pays économiquement sinistré qu’hérite François Hollande, dans un environnement infiniment plus exigeant et brutal encore que celui de 1981.

Dans ce contexte, une puissance moyenne comme la France, comblée d’atouts mais aussi percluse de conservatismes, n’a d’autre alternative que de s’adapter par la réforme ou de sombrer dans le déclin. Les Français l’ont compris, malgré le vieux et inavouable corporatisme de nos corps intermédiaires !

C’est donc le premier défi de F. Hollande que de tenter un tardif « Bad Godesberg  » social-démocrate français à un moment ou les Français se reconnaissent de moins en moins dans leurs représentants. Et, pour lucide et courageux qu’il soit, le Pacte de Responsabilité de F. Hollande n’est pas sans risques dans l’exécution.

Nos patrons comme nos syndicats ne partagent ni la culture industrielle, ni le sens du compromis allemands… En outre, ces organisations sont si peu représentatives que l’esquisse de démocratie sociale que François Hollande tente d’insuffler lévite très largement au-dessus du pays. D’où les difficultés récurrentes en France à traduire dans les faits les décisions les plus consensuelles, comme l’a montré la jacquerie bretonne contre l’écotaxe !

Les obstacles devront également être surmontés dans la recherche des 50 milliards d’économies sur la dépense publique. Des marges de manœuvre existent encore dans la rationalisation du fonctionnement de l’Etat, mais beaucoup a déjà été fait et c’est pour l’essentiel ailleurs qu’il faudra débusquer le superflu : dans les superpositions de compétences de nos différents niveaux de collectivités locales ; dans un certain nombre de politiques publiques dont les résultats ne sont pas à la hauteur de leurs financements ; dans les abus et les dérives de nos dépenses sociales. Mais, pour ce faire, l’Etat doit savoir ce qu’il veut et fixer le cap.

Enfin, si François Hollande a le mérite d’affronter le problème du coût du travail, on peut douter qu’il obtienne en contrepartie des engagements fermes d’embauche dans un contexte économique très incertain. Il y a pourtant des engagements à négocier avec le patronat en matière de formation, de délais de paiement et de relations inter-entreprises, de recherche et développement, d’appui des grands groupes à leurs sous-traitants. Pour l’emploi, il faudra que François Hollande s’attaque à un ultime et redoutable tabou national : celui des rigidités d’un code du travail qui, de protecteur du salarié, est devenu un puissant répulsif de l’emploi. Pour cela, il devra affronter le redoutable consensus d’exclusion dont s’accommode notre pays au prix de coûteuses dépenses sociales, avec pour solde la désespérance des jeunes et des chômeurs. Et pourtant si les valeurs socialistes ont un sens, c’est bien de mettre un terme à cette forme sournoise d’apartheid social.

Le Président voit juste. La reconquête de l’emploi productif est la clé du redressement du pays, de la résorption de nos déficits extérieurs, comme intérieurs… Il est la principale condition du maintien de notre modèle social et de notre niveau de vie. Mais aussi le plus sûr rempart contre ceux qui font commerce politique du déni, de la peur et de la désespérance.

C’est pourquoi, il faut essayer aujourd’hui toutes les solutions que nos retenues idéologiques, nos conservatismes et nos égoïsmes, ont trop longtemps interdites à la France.

 

Gilles SAVARY,  député de Gironde

Christophe CARESCHE, député de Paris

Jean-Marie LE GUEN, député de Paris

Jean BESSON, sénateur de la Drome

Jean-Pierre CAFFET, sénateur de Paris

Jean-David CIOT, député des Bouches-du-Rhône

Sophie ERRANTE, députée de Loire-Atlantique

Marc GOUA, député de Maine-et-Loire

Pierre-Yves LE BORGN’, député des Français de l’étranger

Pascal TERRASSE, député de l’Ardèche

 

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