Nicole Bricq: « Nos forces diplomatiques vont être mobilisées pour l’objectif de retour à l’équilibre de notre balance commerciale… »
Paris, le 28 août 2012
Intervention de Madame Nicole BRICQ – Ministre du Commerce Extérieur
(Seul le prononcé fait foi)
XXème Conférence des Ambassadeurs
Permettez-moi tout d’abord de remercier Laurent FABIUS pour son initiative de diplomatie
économique. Nos forces diplomatiques vont être mobilisées pour l’objectif de retour à l’équilibre de
notre balance commerciale hors énergie, fixé par le Premier Ministre et qu’il m’a demandé de mener
à bien sur le quinquennat. L’objectif est ambitieux et volontariste. Il est à notre portée.
Nous devons gagner 25 à 26 milliards d’euros. Je souhaite mettre cet objectif en perspective. En
2011, les entreprises françaises ont exporté 430 milliards d’euros de biens et marchandises, 30
milliards à travers la réalisation de grands contrats, 400 milliards grâce à tout le reste, ce que l’on
appelle faute de mieux le « commerce courant » qui regroupe des secteurs aussi variés que les
Industries agro-alimentaires, le luxe, l’automobile, les filières des sciences du vivant, du numérique,
des écotechnologies et bien d’autres encore. Pour gagner 25 milliards nous devons faire en sorte
que la croissance de nos exportations soit chaque année de 2% supérieure à celle de nos
importations.
Pour y parvenir, nous avons besoin de votre concours, de celui de mes équipes à l’étranger
qui sont aussi les vôtres, mais aussi de la mobilisation de l’ensemble de vos moyens d’actions qui
seront de ce fait également un peu les miens. Il conviendra de coordonner mieux nos efforts. Ce
sera, dans votre pays de résidence, votre responsabilité en gardant à l’esprit la nécessité de
préserver la réactivité et l’agilité de nos interventions et de nos opérateurs, en refusant les
doublons, les redondances ou les commandes inutiles, en utilisant chacun pour l’expertise et
les missions qui sont les siennes.
I. Pour ma part, je serai la Ministre de la performance commerciale. Je m’appuierai naturellement
d’abord sur nos efforts de compétitivité. Elle détermine tout ou presque. Pour le volet externe de la
chaine de compétitivité, j’ai indiqué au Premier Ministre que ma stratégie reposerait sur trois
priorités tournées vers nos entreprises.
1. Il s’agira d’abord de leur permettre de concourir à armes égales dans la compétition
internationale. Cette priorité exige de mettre à leur disposition des financements exports compétitifs,
à niveau de ceux dont bénéficient les concurrents allemands, américains ou japonais, sans parler des
financements déloyaux de nouveaux compétiteurs. Elle aura une dimension européenne que je
conduirai à travers la politique commerciale en promouvant le principe de réciprocité et le respect
et le renforcement des règles dans le commerce international.
Seul le prononcé fait foi 2
2. Il faudra être à leurs côtés pour s’implanter durablement dans les marchés porteurs de croissance
sur lesquels je concentrerai mon action et les moyens qui sont les miens, en animant la stratégie
économique extérieure du Gouvernement. A rebours d’une diplomatie économique au fil de l’eau,
j’arrêterai prochainement des priorités sur la base d’une étude que j’ai commandée à la
Direction Générale du Trésor. Elle identifiera les couples produits/marchés où notre potentiel
d’exportations est sous-utilisé et où les gains à attendre d’une mobilisation collective sont les
plus forts.
3. Enfin – d’abord faudrait-il dire – je travaillerai à ce que l’offre commerciale « France » soit
rassemblée et structurée.
Cette priorité renvoie à l’objet de notre table-ronde et à la place de nos PME et de nos ETI dans nos
exportations.
II. Nos PME sont plus petites que leurs homologues européennes et peinent à grandir. Le
diagnostic est connu comme sa conséquence : la difficulté à développer une action gagnante
à l’international. Quand nos PME sont bien sélectionnées et bien préparées en amont, elles
ont plus de chances de réussir et surtout de durer sur les marchés internationaux. N’oubliez
pas que sur 100 nouveaux exportateurs, 70 n’exporteront plus l’année suivante. Quand nos
PME se regroupent, elles sont moins petites. Elles peuvent partager des ressources mais aussi
étoffer leur offre commerciale en jouant de leur complémentarité technologique, comme j’ai pu
le voir avec la très belle expérience du réseau francilien d’écotechnologie Durapole. Un réseau
d’entreprises peut être l’équivalent du Mittelstand allemand. J’encouragerai ces regroupements.
Quand nos PME s’associent à nos groupes internationalisés, elles peuvent devenir moyennes ou
grandes. C’est l’enjeu de la structuration des actions à l’exportation au sein des filières ou à
travers les pôles de compétitivité. Sur tous ces points, je compte sur les Régions. Elles ont une
responsabilité première en matière de développement économique. Elles connaissent les qualités et
faiblesses des différents opérateurs locaux de l’appui aux entreprises, qui varient d’une région à
l’autre. Elles financent les CCI, les pôles de compétitivité, les réseaux d’entreprises, les filières
d’excellence régionales. Elles ont des agences de développement et d’innovation. Elles sont bien
placées pour piloter, conduire, donner de l’énergie internationale à leurs entreprises.
Si le commerce international est affaire d’avantages « comparatifs », il repose également sur notre
capacité à mobiliser nos avantages « collaboratifs ».
Ceux-ci peuvent aussi s’exprimer dans une relation directe entre la petite et la grande entreprise.
On appelle cela le portage. Nos grandes entreprises devraient se sentir obligées : l’action publique
a beaucoup fait pour qu’elles deviennent des champions nationaux, puis internationaux ; nous
continuons à intervenir à leurs côtés via le CIR, les pôles, les investissements d’avenir et puis
à l’export à travers la Coface ou notre diplomatie économique. Il y a des tentatives pour avancer
dans cette direction, l’initiative « Pacte PME international ». Je sais qu’il y a ici de belles histoires à
raconter. Pourtant « globalement » cela ne marche pas, pas assez (26 grands groupes impliqués
dans l’initiative alors qu’il y a plus de 210 grandes entreprises recensées par l’INSEE, 150 PME
par an qui bénéficient d’un appui d’une grande entreprise : hébergement d’un VIE, ou du
représentant de la PME à l’étranger, conseil…c’est très peu).
Seul le prononcé fait foi 3
Je vais donc revenir vers les entreprises, les fédérations professionnelles, les comités de filières avec
des propositions. Je vois quatre pistes à explorer :
– le partage de compétences internationales. Le Président de la République a mis en avant dans
son programme le « contrat de génération ». Pourquoi ne pas réfléchir à un contrat de génération
entre entreprises : un cadre expérimenté d’une grande entreprise qui mettrait son expertise
internationale au service d’une jeune entreprise.
– la mobilisation de nos grands réseaux de distribution à l’étranger –réseaux généralistes
(Casino) ou spécialisés (Lapeyre- Saint Gobain). Je les rencontrerai prochainement,
– le travail autour des fonds d’investissement que beaucoup de grandes entreprises (EDF, Veolia)
ont mis en place dans une démarche d’innovation ouverte (les corporate ventures). Ces investisseurs
prennent des participations dans des PME. Ils doivent les aider à réussir en mobilisant leurs maisonsmères
(les grandes entreprises) pour accompagner à l’international les PME dans lesquelles ils ont
investi,
– et puis il y a les grandes entreprises étrangères implantées en France. Nous n’y pensons pas
assez (67 sur les 217 grandes entreprises recensées par l’INSEE). Je veux voir avec elles, s’il est
possible de mettre en place une dynamique de portage « ascendant », de la filiale en France vers la
maison-mère à l’étranger ou le réseau international, en ouvrant des portes ou en « recommandant »
leurs fournisseurs français. Certaines le font déjà dans le domaine de l’innovation (Microsoft France,
Siemens France)…Et comme innovation et développement international sont intimement liés…
Il y a certainement d’autres idées, des bonnes pratiques mises en place dans vos pays de résidence.
Même si je sais qu’elles ne sont pas nécessairement transposables chez nous, je suis intéressée à
ce que vous m’aidiez à les identifier. J’en suis preneuse.
III. Je termine sur deux points divers.
Innovation et développement international sont étroitement liés. Pour exporter, il faut se
différencier et donc s’appuyer sur la créativité et l’innovation. La relation est entendue. Elle l’est moins
dans l’autre sens : une entreprise qui exporte va alimenter sa dynamique d’innovation. Elle va en effet
avoir accès à de nouvelles sources de connaissances, de nouveaux réseaux d’innovation, d’autres
possibilités de nouer des partenariats technologiques. C’est particulièrement vrai pour nos PME
de hautes technologies. Leurs démarches internationales sont donc tournées vers les marchés
mais aussi vers l’enrichissement de leur potentiel d’innovation. Ici vos services pour la science et
la technologie ont un rôle essentiel pour les accompagner. J’en ai parlé récemment à
Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui partage mon
analyse. Je les rencontrerai et les mobiliserai lors de mes déplacements à l’étranger.
« Equipe de France de l’export » et « chasser en meute » : je n’aime pas ces deux termes. Ils
revoient à des expériences passées qui ont coïncidé avec notre défaillance à l’export et à des
initiatives de nature institutionnelle. Je préfère des termes comme réseaux, clusters si cet
anglicisme m’est autorisé, filières et synergies, d’abord portées et incarnées par les
entreprises.
Source : Cabinet Nicole BRICQ :