Discours de François Hollande à la communauté française de Vientiane
Mes chers compatriotes,
Je vous demande d’abord de nous pardonner, Laurent FABIUS et moi-même. Nous étions encore retenus par ce Forum qui rassemble les pays européens et les pays d’Asie. Je suis très sensible à votre présence nombreuse, dans ce jardin que l’Ambassadeur met à votre disposition, pour cette rencontre que je veux la plus simple et la plus directe.
(Photo: Présidence de la république.Pascal SEGRETTE)
Chaque fois que je me déplace dans un pays qui n’est pas la France, j’ai à cœur de rencontrer ce que l’on appelle la communauté française, c’est-à-dire, les citoyens qui ont décidé par choix, par obligation et parfois par hasard, d’aller vivre dans un autre pays que le leur et de contribuer au succès de la France.
C’est ce que vous faites pour notre pays qui est important Je voulais vous en exprimer toute ma gratitude parce que vous êtes ici nos représentants. Vous travaillez dans de nombreux domaines : l’économie, la culture, l’éducation, parfois même la chose militaire ; vous êtes en contact avec un pays qui nous est cher, le Laos, pays qui n’avait pas encore accueilli un président de la République française. Il était donc temps !
Photos de la visite à Vientiane
L’occasion m’en a été donnée avec ce Forum que l’on appelle l’ASEM. Créé en 1996 à l’initiative du Président Chirac, il a été conçu sur l’idée qu’un rapprochement entre l’Europe et l’Asie pouvait être un moyen de prévenir ou de conjurer les crises. Ce fut d’ailleurs le cas en 1997 quand une crise a surgi en Asie et que le soutien des Européens avait été particulièrement utile et précieux.
Cette fois-ci, c’est une autre crise. Elle nous vient des Etats-Unis mais l’on ne va rien dire des Etats-Unis en ce moment pour ne pas fausser la donne électorale ! Cette crise dite des « subprimes » s’est reproduite en Europe avec les dettes souveraines. La croissance s’est effondrée et la récession touche bon nombre de pays d’Europe du Sud. C’est maintenant que nous disons à nos amis asiatiques qui connaissent encore une progression très forte de l’activité : « Ayez confiance ! Ayez confiance dans l’Europe ! Ayez confiance dans ce que nous sommes en train de faire : le rétablissement des comptes publics — ce n’est jamais facile — et la restauration de notre compétitivité. Et soutenez la croissance ! ».
Parce que c’est une obligation qui ne vaut pas simplement pour l’Europe mais pour tous les pays du monde. S’il n’y a plus d’activité en Europe, il n’y en aura pas davantage, à terme, en Asie.
Voilà ce que nous avons dit pendant toute cette journée avec de grands pays qui étaient présents : la Chine, l’Inde, la Russie et puis l’Europe qui était représentée, comme d’habitude, par le Président du Conseil européen, le Président de la Commission européenne et tous les pays européens — ce qui quelque fois rend plus difficile la lecture par nos partenaires de ce que décide ou fait l’Europe. Tout mon propos aujourd’hui, cela a été de dire à tous ces pays qui nous regardent : « Ayez confiance dans ce que nous faisons dans la zone euro ».
Mais je voulais aussi passer un moment avec vous pour vous parler de ce que nous attendons de l’Asie. L’Asie c’est un continent qui a ses propres difficultés, ses propres conflits — et nous en avions encore quelques illustrations en parlant avec le Premier ministre chinois sur ce qui peut être encore en cause en Mer de Chine — mais qui a un potentiel et une vitalité considérables. Vous en êtes ici les témoins et les acteurs.
L’Europe et la France doivent donc avoir avec l’Asie des relations fondées sur un développement constant de nos échanges dans tous les domaines : échanges économiques en demandant l’ouverture des marchés, échanges culturels, échanges linguistiques — car on parle le français aussi en Asie et notamment au Laos qui est un pays de l’espace francophone ! Il y a donc des potentialités considérables que nous devons saisir.
Nous devons également partager des objectifs politiques : la gouvernance mondiale, le respect des droits de l’Homme, la démocratie, la capacité aussi de pouvoir régler pacifiquement des conflits. Voilà ce que nous avons aussi à faire avec l’Asie.
Et puis, enfin, nous avons à montrer que le modèle d’intégration qui a été le nôtre en Europe peut valoir pour un continent comme l’Asie. Ce que font, notamment, les pays membres de l’ASEAN qui nous regardent aussi comme un modèle.
Nous avons eu cette fierté de recevoir le prix Nobel de la Paix. Certains en ont même été surpris en se disant « mais est-ce que c’est bien sûr qu’on nous a attribué cette haute distinction dans l’état où nous sommes ? » Comme si nous doutions de nous-mêmes. Nous ne devons pas douter de nous-mêmes. L’Europe a été capable, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, de faire cette construction qui est aujourd’hui exemplaire, qui était un rêve et qui a été traduit dans la réalité. L’Europe a été capable d’assurer la réunification de son continent. L’Europe a été capable de faire un grand marché avec une monnaie. Cela ne suffit pas. Nous avons donc encore à poursuivre ce rêve européen.
Je vous parle d’Europe ici en Asie parce que nous devons, à chaque fois, porter comme un exemple ce que nous avons été capable de faire et dialoguer avec tous ceux qui nous regardent.
Je voulais aussi vous parler du Laos parce que vous y vivez, vous y travaillez, vous contribuez à son développement.
J’ai été très fier d’être invité, à côté de cette belle résidence de France, à l’institut Pasteur où des recherches de haut niveau sont entreprises avec des jeunes chercheurs laotiens, avec également des Européens. Je veux saluer tous ceux qui y ont contribué. J’ai vu aussi la fondation Merieux qui travaille également pour améliorer l’état de la santé. Et puis je suis passé, trop brièvement, à l’institut culturel.
Bref, la France est présente au Laos et elle doit l’être encore davantage. Nous avons pour ce pays une volonté de développement. Nous voyons ce qu’il entreprend, nous faisons en sorte d’ailleurs, avec l’Agence Française de Développement, de lui apporter un certain nombre de contributions. J’ai évoqué l’éducation, la santé, l’agriculture — 70% de la population ici vit encore de l’agriculture. Et puis il y a ce que vous faites vous-mêmes, c’est-à-dire participer à votre niveau à ce développement tant espéré du Laos.
Je voulais aussi vous dire que nous ferions en sorte, tout au long des prochaines années, de convaincre des entreprises de venir s’installer ici. Je crois qu’il y a un certain nombre de représentants déjà d’entreprises françaises. Je ne vais pas toutes les citer, mais elles montrent qu’il est possible de réussir, d’investir, de créer de l’activité. Et puis nous avons aussi à multiplier les échanges universitaires, culturels, et nous ferons en sorte que ce soit le cas.
Je profite de cette occasion qui m’est donnée pour vous parler un peu de la France. Je suppose que vous êtes informés ! Nous avons depuis 6 mois engagé un certain nombre de réformes, nous avons été amenés à prendre le pays dans l’état où il était, c’est-à-dire avec des atouts qu’il faut rappeler chaque fois — aussi bien sur le plan économique, scientifique, culturel — mais aussi un certain nombre de difficultés ou de handicaps qui n’ont pas été résorbés ces dernières années. On nous parle beaucoup de compétitivité. Le mot maintenant est devenu un thème du débat politique. Ce n’est pourtant pas un thème de débat, c’est une exigence la compétitivité ! Si nous voulons être capables de parler fort en Europe et dans le monde, il faut être en capacité de pouvoir vendre autant qu’on achète au reste du monde. Et c’est pourquoi nous devons rétablir la balance commerciale.
J’ai rencontré le Premier ministre chinois. Nous faisons 27 milliards de déficit avec la Chine, soit 40% de notre balance commerciale. Nous devons mettre un terme à cette situation. Voilà pourquoi nous aurons à prendre des décisions, de manière à ce que — sur l’innovation, sur la recherche, sur l’amélioration de notre soutien à l’exportation, sur le crédit bancaire — tout soit fait pour rehausser le niveau de notre compétitivité, de nos échanges.
Nous avons eu aussi à prendre des décisions en matière budgétaire. Ce n’est pas facile parce qu’il nous faut faire des économies — tout le monde est pour, sauf dans son domaine ; de même pour faire la justice fiscale — tout le monde est pour, sauf pour soi-même. Nous faisons donc des choix. Mais nous devons les faire maintenant, parce que si nous tardons il sera, à mon sens, périlleux de les accomplir demain.
Il y a donc de ma part et de la part du gouvernement la volonté — y compris au lendemain d’une élection présidentielle qui suscite toujours des espérances et des impatiences — de prendre les bonnes décisions, de faire les choix, mais de les réaliser dans la justice, dans l’équité, de permettre que chacun y trouve aussi son compte, que chacun comprenne ce que nous voulons faire.
Quelles sont les questions que nous nous posons tous, où que nous vivions, que ce soit dans l’hexagone ou dans un pays où vous avez choisi de travailler ? Est-ce-que la France a encore sa place dans le monde, est-ce que la France peut réussir, est-ce que la France est encore une grande Nation ? Nous, nous le voulons, alors nous devons y travailler ensemble. Et puis la seconde question, qui est plus intime, qui nous concerne chacune et chacun : est-ce que dans cette France j’ai encore ma place, je peux être sûr que j’aurai pour moi-même, pour les générations qui viennent, la capacité d’une réussite ? Est-ce que nous pouvons encore vivre ensemble ? Nous avons nos différences, nous avons nos distinctions de sensibilité, de croyance, de situation. Mais nous sommes dans le même pays, et vous le démontrez. Vous êtes loin de votre pays, et vous le servez avec dévouement, et je voulais à cette occasion vous en exprimer tous mes remerciements.
Je venais donc à votre rencontre pour vous donner des nouvelles du pays, pour vous dire que nous agissons et que nous avons besoin de vous. C’est vrai que les autorités politiques sont là pour prendre des décisions, mais s’il n’y a pas une participation de toutes les forces, que ce soit des forces économiques, des forces sociales ou des forces citoyennes, nous ne parviendrons pas au résultat que nous cherchons. Même s’il y a toujours une confrontation, même s’il y a toujours des divisions, le rôle du président de la République c’est de réunir, c’est de réconcilier, c’est de rassembler quoi qu’il arrive.
Voilà le cap que je voulais vous fixer : vous dire que nous sommes à votre disposition – les services consulaires, les services de l’ambassade — que nous appuyons tous vos efforts, que vous servez notre pays, et que vous méritez toute notre considération.
Merci pour votre présence, merci pour votre fidélité, merci pour votre fierté de porter le drapeau français ici au Laos.
Vive la France !
Vive le Laos !
Vive l’amitié franco-laotienne !